Le marché immobilier au Luxembourg en quête de reprise

Des taux d’intérêt plus bas devraient améliorer les conditions du marché immobilier, tandis que le ralentissement actuel offre une opportunité de remédier à la pénurie de logements, selon un panel d’experts.

  • Une baisse des taux d’intérêt en 2024 pourrait alléger les coûts de financement, offrant un soutien au secteur immobilier.
  • Le plan de mesures du gouvernement luxembourgeois pour stabiliser le secteur apportera un coup de pouce psychologique important.
  • Bien que les prix de l’immobilier puissent continuer à baisser, certains investisseurs recherchent de bonnes affaires à des prix en baisse. 
  • Le ralentissement actuel est une occasion de s’attaquer à la question de l’accessibilité des logements à long terme.

Le nombre de grues visibles sur l’horizon peut refléter la vitalité économique d’un pays, et le quartier d’affaires de Kirchberg, à Luxembourg, en regorge.

Pourtant, en y regardant de plus près, certaines grues restent immobiles, révélant un secteur immobilier qui n’est pas dynamique mais en sommeil – embourbé dans un ralentissement aux répercussions sur l’ensemble de l’économie.


Après des années de taux d’intérêt proches de zéro, la Banque centrale européenne (BCE) a rapidement relevé ses taux de 4,5 points entre juillet 2022 et septembre 2023. Comme dans le reste de l’Europe, cette hausse des coûts de financement a refroidi le marché immobilier au Luxembourg. Les prix des logements ont chuté, tout comme la valeur des biens commerciaux, notamment des bureaux. Selon Eurostat, les prix des logements résidentiels ont diminué de 13,6 % au troisième trimestre 2023 par rapport à l’année précédente.


Cependant, des signes de stabilisation pour 2024 émergent, selon les experts réunis lors du débat organisé par Quintet Private Bank, intitulé Real Estate: Towards a New Direction, tenu le 1er février 2024. Avec une inflation en recul après la pandémie et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la BCE devrait réduire ses taux cette année, ce qui devrait soutenir les prix de l’immobilier. De plus, le nouveau gouvernement de coalition luxembourgeois, formé en novembre 2023, a rapidement introduit un ensemble de mesures pour relancer le marché du logement.


Nous avons déjà observé un rebond des marchés immobiliers cotés après la correction précédente, 

a déclaré Nicolas Sopel, responsable de la recherche macroéconomique et Chief Strategist chez Quintet, Luxembourg. « Les propriétés physiques pourraient encore subir une pression baissière à court terme, mais la baisse attendue des taux d’intérêt devrait alléger les contraintes financières et soutenir le secteur. »


La combinaison d’une baisse des taux et de politiques favorables aux entreprises pourrait bien permettre aux prix de l’immobilier au Luxembourg de se stabiliser en 2024 avant que l’activité ne reprenne, avec la possibilité de commencer à résoudre les problèmes d'abordabilité. Cela pourrait offrir des opportunités aux investisseurs, selon les experts. À long terme, le plan gouvernemental pourrait également aider à proposer des logements plus abordables, au bénéfice de l’économie et de la société dans son ensemble.

Filtrer le bruit ambiant : nos perspectives 2024

Lorsqu’on réfléchit à une stratégie d’investissement, il est essentiel de prendre en compte son horizon temporel. Naturellement, nous avons tendance à remarquer davantage les fluctuations à court terme que les tendances progressives à long terme. Mais en tant qu’investisseurs, nous devons intégrer ces deux dimensions dans notre stratégie. Cela est d’autant plus vrai lorsque l’actualité est dominée par des tensions géopolitiques, des élections et des actions gouvernementales significatives – comme ce sera probablement le cas en 2024.

Le marché est-il prêt pour une reprise ?

La correction immobilière au Luxembourg fait suite à plus de dix années prospères, où des coûts de financement bas et une forte demande ont continuellement alimenté la hausse des valeurs. Mais en 2020, la pandémie a provoqué une flambée de l’inflation en perturbant les chaînes d’approvisionnement et en forçant les banques centrales à injecter des liquidités d'urgence pour soutenir les économies. L’invasion de l’Ukraine en 2022 a aggravé cette situation. Pour freiner l’inflation, les banques centrales ont relevé rapidement les taux, stoppant ainsi la dynamique.


Adoptant un ton rassurant, Sven Rein, associé principal chez PANDOO Management, un administrateur de fonds, a expliqué au public lors du débat que ce ralentissement diffère de la crise financière mondiale de 2008.

Contrairement à 2008, le secteur immobilier n’est pas aujourd’hui surendetté. Il est simplement déséquilibré, avec des attentes de prix divergentes entre acheteurs et vendeurs.  

De plus, les gestionnaires d’investissements immobiliers disposant de liquidités excédentaires n’investissent pas car ils pensent que les prix vont encore baisser.  


Il estime qu’il faudra au moins six mois pour que la situation se stabilise et que les capitaux commencent à revenir sur le marché. Il a ajouté que la probabilité que la Réserve fédérale américaine réduise ses taux plus lentement que les marchés ne l'avaient prévu retarderait, mais ne ferait pas dérailler, la reprise de l'immobilier luxembourgeois.

Martine Gerber-Lemaire, Head of the Real Estate Practice chez Dentons Luxembourg, a souligné que l’impact des taux d’intérêt élevés réduit la capacité des acheteurs. « Un acheteur qui pouvait auparavant acquérir un appartement de 120m² ne peut désormais se permettre qu’un bien de 80m². » Cette situation se produit dans un contexte de pénurie persistante de logements, alors que la population luxembourgeoise continue de croître sans que l’offre ne suive.


La confiance reste basse, entraînant une baisse des transactions dans l’ensemble du marché immobilier. Au troisième trimestre 2023, par exemple, le nombre de transactions immobilières a chuté de 41 % selon Eurostat. Le secteur des biens commerciaux, comme les bureaux, a également connu des baisses similaires.


Cependant, des signes indiquent que le marché pourrait être proche du fond. Gerber-Lemaire a mis en avant l’intérêt des fonds spécialisés dans les biens immobiliers en difficulté : « En 2024, certains investisseurs ne pourront pas refinancer à des taux de 7-8 %, et leurs propriétés seront acquises par ces fonds, qui pourraient les rénover pour les rendre plus durables. Le Luxembourg est un marché idéal pour cela, mais nous n’avons pas encore vu toute la correction des prix. »

L'importance des interventions gouvernementales


En s’alignant sur le principe de « ne pas gaspiller une bonne crise », le nouveau gouvernement de coalition a mis en place un plan de mesures visant à stimuler le secteur immobilier, abordant non seulement le ralentissement actuel mais aussi les problématiques structurelles à long terme, telles que la pénurie de logements abordables. Globalement, ce plan est conçu pour garantir l’accès au logement, encourager les investissements locatifs et stimuler l’activité de construction. Annoncé le 31 janvier, la veille du débat organisé par Quintet, son timing a été jugé parfait.


Lors du débat, les intervenants ont convenu que ce plan pourrait marquer un tournant, bien que certains aient exprimé des doutes quant à l’ampleur des financements alloués. Jean-Paul Scheuren, président de la Chambre Immobilière du Luxembourg, a souligné que le gouvernement avait envoyé un message positif aux investisseurs immobiliers : « Le message est clair : les investisseurs sont à nouveau les bienvenus au Luxembourg. »


De son côté, Jerry Grbic, directeur général de l’ABBL (Association des Banques et Banquiers du Luxembourg), a déclaré que même si les financements prévus étaient insuffisants, ils pourraient néanmoins avoir un impact significatif. « Nous ne devons pas sous-estimer l’effet psychologique », a-t-il remarqué.

Les investisseurs prêts à injecter des liquidités vont se lancer cette année. Les investisseurs privés reviendront sur le marché. 


Grbic a également expliqué que, bien que les prix des logements résidentiels aient officiellement baissé de 15 %, les prix de vente réels ont en réalité chuté de 20 à 25 %, en fonction de l’emplacement. Évoquant les tensions du marché, il a précisé que les prêts immobiliers non performants étaient compris se situaient entre 1,6 % et 1,8 %, en dessous de la moyenne européenne. Selon lui, le marché résidentiel pourrait se stabiliser aux prix actuels. Il a également ajouté connaître des investisseurs qui attendaient simplement ce plan gouvernemental pour lancer des projets immobiliers.


Cependant, le marché est fait de points de vue variés, et certains restent moins optimistes. Morgan Mével, conseiller principal en investissement – Marchés de Capitaux chez INOWAI, a souligné que le marché des bureaux au Luxembourg reste peu attractif aux prix actuels comparé à d’autres pays. Par exemple, tandis que des bâtiments peuvent être acquis avec des rendements de 8 à 10 % en Allemagne et aux Pays-Bas, ces rendements restent à 6 % au Luxembourg.

C’est pourquoi, pour le secteur des marchés de capitaux, nous avons observé un arrêt depuis plus d’un an. L’année 2023 a été très mauvaise pour le volume des transactions. Nous verrons si 2024 sera meilleure, compte tenu du fait que les taux d’intérêt ne reviendront pas à presque zéro. 


Pour répondre aux problèmes structurels à long terme du marché, Jean-Paul Scheuren a mis en avant trois axes prioritaires : l’augmentation de la densité des logements, le financement du développement et la construction. Il a également plaidé pour une augmentation « massive » du nombre de logements sociaux et abordables, passant des 3 000 logements actuellement construits chaque année à 30 000 ou plus nécessaires.


Michel-Edouard Ruben, économiste senior à la Fondation IDEA, a indiqué que si le Luxembourg suit les trajectoires de villes comme Londres, Paris ou Berlin, la part actuelle de propriétaires occupants pourrait passer de 70 % à environ 50 %. Bien que stimuler l’investissement locatif puisse améliorer la mobilité, cela se ferait au détriment de l’égalité des richesses.


Un marché immobilier accessible et sain sera essentiel pour attirer des talents au Luxembourg et garantir une prospérité économique durable, ont souligné Nicolas Mackel, CEO de Luxembourg for Finance, et Jerry Grbic de l’ABBL. « Pour attirer davantage de personnes au Luxembourg, il est essentiel d’augmenter l’offre de logements, afin qu’elles ne soient pas des navetteurs travaillant depuis chez elles à 95 % ou 100 % du temps, ce qui entraînerait une perte de substance pour le Luxembourg », a noté Grbic.


Cependant, selon Mackel, le Luxembourg reste résilient, et le ralentissement du marché immobilier ne mettra pas en danger son important secteur financier. Il a mis en avant la stabilité de la note de crédit AAA du pays et le fait que l’industrie financière est diversifiée, englobant non seulement la gestion d’actifs, mais aussi des secteurs tels que les paiements, la gestion de patrimoine et la banque d’entreprise.

2024: les conditions pour une relance immobilière

Ce qui ressort clairement du débat est que 2024 sera une année cruciale. Les prix de l'immobilier pourraient encore baisser avant de se stabiliser. Pendant ce temps, en tant que centre d'affaires européen de premier plan, le Luxembourg continuera d'attirer des investisseurs en quête d'actifs à prix réduits.


Le gouvernement luxembourgeois, avec sa politique favorable aux entreprises, jouera un rôle clé. Son récent plan de mesures a renforcé la confiance, bien que les experts du panel considèrent qu'il pourrait être insuffisant. Par ailleurs, il est impératif que le gouvernement adopte une approche novatrice pour résoudre les problèmes de logement à long terme.


Si la BCE réduit suffisamment ses taux et que le gouvernement met en œuvre les mesures nécessaires, le marché pourrait retrouver un nouvel équilibre en 2024. Cependant, les prix pourraient encore reculer avant que les grues ne reprennent leur activité et que le dynamisme du marché immobilier ne revienne pleinement.

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